Depuis 2010, je vis une expérience très particulière.
A l’aube de mes 30 ans, je me retrouve coincée chez moi. Impossible de mettre un pied dehors, à moins d’être accompagnée, et encore… Chaque sortie déclenche de violentes angoisses. Je ne comprends pas ce qui m’arrive. C’est déroutant, difficile à vivre. J’ai aussi terriblement honte de ce que je vis.
Je ne savais pas ce qu’étaient des angoisses, des crises d’angoisses jusque là. Je découvre des émotions dont je me serais volontiers passée! Comment ai-je pu en arriver au point de ne plus pouvoir accomplir ce geste si simple, que je faisais auparavant sans même y penser?
Je ne peux pas rester comme ça et je prends rendez-vous chez une psychologue pour m’aider à comprendre et reprendre une vie normale. Les mois passent mais ce que je pensais être passager s’installe et je n’arrive pas à en sortir. Je cherche donc un autre type d’aide, avec les médecines alternatives. Je lis beaucoup, des livres de développement personnel, j’apprends à prendre soin de moi. Je mets toutes les chances de mon côté. Ça passera…

 

Quatre ans plus tard, j’en suis presque au même point. Beaucoup de choses ont changé dans ma vie. Je me suis transformée. Je me sens beaucoup mieux. Je n’ai plus d’angoisses, ni crises d’angoisses chez moi (oui, j’ai un peu tout testé niveau angoisses entre temps!). Mais, je ne peux toujours pas mettre un pied dehors sans être accompagnée.
C’est le printemps, l’été approche et, avec le soleil, l’envie de sortir se fait pressente. Mais plus que tout, je suis motivée par l’envie de retrouver mon indépendance et redevenir normale. Je ne peux pas dire que je me sens bizarre mais je peux te dire qu’annoncer à quelqu’un que je ne sors pas seule n’a rien de facile. La tête que  les gens font! Est-elle un peu folle? Non, je suis tout à fait saine d’esprit. Il y a juste ce truc que je ne m’explique pas!

Je décide donc qu’il est temps pour moi de ressortir seule. Seul « petit » problème, rien que l’idée de sortir m’angoisse au plus haut point. Mais, je choisis de dire non à ces angoisses. Je me dis qu’il faut enclencher le changement et que, au fur et à mesure, je m’y ferai, que ça deviendra de nouveau naturel pour moi.

 

Ça n’est pas une mince affaire!
Première sortie, pas de gros objectif. Je décide de ne pas aller très loin: la boulangerie la plus proche de chez moi, à  deux-trois minutes à pied, fera l’affaire. En même temps, je ne peux pas m’imaginer aller au-delà.
Et là, attention, préparation! Je me fais à l’idée et c’est tout un monde pour moi. Je me refais le trajet dans la tête des milliers de fois, et ça m’angoisse comme si j’y étais. Je n’ai même pas encore mis un pied dehors que je tremble, mon cœur s’affole… Mais je décide que rien ne m’arrêtera. Ça passera…

Je m’assure de pouvoir joindre quelqu’un au téléphone pendant mon trajet en cas de crise d’angoisse ingérable. Je m’assure aussi d’y aller à une heure où il y a peu de monde parce que faire la queue n’est pas envisageable, angoisse à la clé. Et je refais le trajet dans ma tête, toujours avec cette angoisse.
Tu ne peux même pas imaginer l’énergie que cette petite sortie de cinq minutes me demande, rien qu’en préparation. Mais, je me force, je lutte et j’y arriverai! Je suis déterminée, plus que jamais. Ça passera…

C’est le grand jour! Je tremble, j’angoisse mais j’y vais! Chaque pas augmente mon angoisse. Je suis là et je ne suis pas là. Je suis dans mon monde d’angoisse et je ne peux pas profiter de ma petite balade. Je suis enfin dehors, seule, mais je ne peux pas l’apprécier. Il n’y a aucune joie. Toute mon énergie se perd à essayer de gérer l’angoisse, de respirer, de calmer mon cœur qui bat à tout rompre. Et toujours cette question: je continue ou je fais demi tour? Je prends mon téléphone? Non. Je veux le faire seule! J’arrive tant bien que mal à la boulangerie dans un état d’angoisse assez hallucinant, tremblante… mais j’y suis!
Je rentre chez moi. Je ferme la porte. Je suis mitigée, à la fois heureuse et fière de l’avoir fait et dans un état de fatigue, de tension impressionnant. Tout ça pour un petite baguette! Ça passera…

 

Je ne désespère pas! Je suis persuadée que plus je le ferai, plus facile ce sera!
Quelques jours plus tard, le temps de me remettre de ma première sortie, je prépare ma deuxième sortie. Et toujours le même scénario de préparation, d’angoisses…
Je renouvelle l’opération plusieurs fois, en essayant d’aller un tout petit peu plus loin à chaque fois. Ça n’est jamais plus facile mais j’insiste. J’essaie d’être régulière et de ne rien lâcher pour qu’enfin, il se passe un déclic en moi, que je me rende compte qu’il n’y a aucun danger à sortir. Après tout, je le sais mais il y une partie de moi qui n’y croit pas du tout.
Si la préparation est difficile et le début du trajet aussi, le reste est plutôt agréable. Pas très naturel quand même mais bon, ça passera…
Jusqu’au jour où, alors que je rentre chez moi, je sens que j’ai trop forcé, que je suis au bord de la crise d’angoisse, que ça ne va pas du tout! Ah oui, en effet, je suis allée trop loin, bien trop loin. Je ne me suis pas écoutée et je vais payer le prix fort! Je fais une rechute mo-nu-men-tale! Pendant plusieurs mois, je suis constamment au bord de la crise d’angoisse.
J’ai besoin d’avoir constamment à portée de mains, mon téléphone portable, mon fixe et d’être sûre à 100% de pouvoir joindre quelqu’un en cas de crise d’angoisse. Moi qui dors habituellement super bien, je découvre les insomnies, crises d’angoisses et crises d’asthmes nocturnes! La totale! Il m’a fallu beaucoup de temps pour me remettre de ça!

 

C’est à ce moment que j’ai décidé de ne plus jamais aller contre mes ressentis!
Quand j’ai pris la décision de ressortir, je sentais bien que mon corps disait non et j’ai choisi de ne pas l’écouter.
Je savais que je n’étais pas prête mais je n’ai pas voulu l’entendre. J’ai voulu faire comme tout le monde, être comme tout le monde et  comme tout le monde sort seul (ou presque), tout le monde peut aller faire ses courses  seul, se balader, je devais aussi le faire…  J’ai voulu me sentir « normale », comme les autres.
J’ai juste oublié que, les autres, on s’en fout! Les autres ne ressentent pas cette angoisse que je ressens en ce moment! Je ne peux pas faire l’économie de m’écouter. Forcer ce qui n’est pas prêt ne fonctionne pas.

Mon corps, mes ressentis sont très fiables. Ils me disent toujours de façon très précise où j’en suis. Je me suis donc dis que, quand je serai prête à ressortir, je le saurais, mon corps me le dirait.

 

Alors, j’y suis allée en douceur. J’ai accepté de dire « ok, je ne sais pas pourquoi j’en suis là. Je ne comprends pas tout. »  Mais je dis OUI.
A vrai dire, quand j’y pense, sortir seule n’est pas tout mais c’était devenu une obsession pour moi.
Je ne suis pas que cette personne qui ne peut pas sortir seule, je suis bien plus. A partir du moment où j’ai accepté de dire oui à cette limite, j’ai pu me détendre et être heureuse. Il n’y a pas de hasard, et bien que je ne le comprenne pas, cette situation est la meilleure pour moi. Je sais que la vie m’apporte toujours ce dont j’ai besoin. J’en ai eu la preuve plusieurs fois. J’accepte donc de lui faire confiance. Et, en effet, cette expérience est riche et m’amène à me transformer comme jamais, à me mettre au premier rang de ma vie et à être tellement plus heureuse que je n’ai pu l’être avant.
Des angoisses disparaissent sans que je comprenne pourquoi, ni comment. Je commence à pouvoir faire quelques pas dehors, dans la joie. Ça peut paraître peu mais qu’est-ce que je les apprécie. Marcher seule, sans la moindre angoisse, un vrai bonheur! C’est déjà énorme pour moi! Et le plus beau, c’est que ça ne me demande aucun effort, aucune préparation.

Au fil du temps, je retrouve progressivement ce sentiment de sécurité. Je trouve la joie dans tout un tas de choses: l’écriture, la peinture, mon activité professionnelle. Je sors, accompagnée. J’ai des hauts, des bas, comme tout le monde. Je vis, tout simplement.

J’expérimente beaucoup aussi. Je me réconcilie avec mes émotions. Ma clairvoyance, mes ressentis se développent continuellement et c’est très agréable. Cela me permet de voir la vie d’une toute autre façon, plus douce, plus joyeuse.
Longtemps, j’ai cru que je ne pourrais être une bonne thérapeute  que quand je pourrais à nouveau sortir seule. Mais je me suis trompée. Mon expérience, ma sensibilité, tout ce que je peux vivre m’aide à mieux accompagner les autres. C’est devenu très naturel pour moi d’aider les autres à se sentir mieux, à retrouver la joie d’être qui ils sont. C’est en moi, c’est là, une évidence et j’adore ça, alors pourquoi attendre?

Si demain je sors seule, je ne serai pas meilleure, je n’aurai pas fondamentalement changé. Je vivrai juste une expérience différente. Mon corps, mes ressentis m’auront donné le feu vert et je les aurai écouté.
Je n’ai plus envie d’être normale, comme tout le monde. Je suis bizarre, et je crois qu’on est tous bizarres à notre façon. J’aime ça, être bizarre, en fait. J’ai juste envie d’être moi, avec tout ce qui fait que je suis moi et j’adore être moi!

A notre bizarrerie, à tout ce qui fait que nous sommes nous!
Magali

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